DAKARAI JUDE FITZGHAM RIED
Depuis trois générations, la famille Fitzgham dirige l’Académie Saint-Georges d’une main de maître. Enoch Fitzgham fut le premier de la famille à être devenu le directeur de l’établissement en 1919. À sa mort, c’est son deuxième fils Graham qui reprit le flambeau avant de le passer à sa fille Helen quelques années plus tard. Une véritable affaire de famille.
Dakarai, en tant que fils de la directrice et héritier de la grande et illustre famille Fitzgham se doit d’être irréprochable. Et il l’est. Beau, riche, intelligent, populaire, sportif. Les élèves l’admirent, les professeurs l’adorent. Il est capitaine de l’équipe d’athlétisme, il sort avec la plus belle fille de l’académie, il est ami avec les élèves les plus riches, ses parents sont fières de lui. En bref, Dakarai est parfait.
Mais la perfection a aussi ses petits défauts.
Collés, les uns aux autres, la foule de jeunes dansait sur le rythme de la musique. Le sol était jonché de mégots de cigarette et de gobelets vides. Les lumières tamisées et la fumée des cigarettes et des joints rendaient l’atmosphère étouffante. Il n’y avait quasiment pas de place pour circuler entre les corps suant qui s’agglutinaient. L’immense salon était devenu une gigantesque piste de danse. Des enceintes avaient été installées en haut des marches de l’escalier et qui diffusaient une musique techno qui faisait trembler les bouteilles d’alcool disposées sur la table en chêne.
Dakarai était installé sur un des canapés moelleux du boudoir. Il tenait, entre ses longs doigts fins, un joint à moitié fumé. Ses cheveux blonds, qui lui arrivaient jusqu’aux épaules, tombaient sur son visage. Cependant, on pouvait distinguer à travers ses mèches de cheveux, ses yeux bleus complètement rouges. Il peinait à les maintenir ouvert. La musique, pourtant assourdissante, ne semblait pas le déranger. Le jeune homme semblait être dans un autre monde ; quelque part où il ne pouvait pas sentir le mélange de cigarette, de transpiration et d’alcool qui imprégnait la pièce, et où il ne pouvait voir l’amas de corps qui semblait bouger au ralenti.
Il ne semblait même pas apercevoir la belle brune qui se tenait dans l’encadrement de la double porte. Elle dansait au rythme de la musique, balançant ses hanches de gauche à droite puis de droite à gauche. Ses cheveux tombaient en cascade dans son dos. Le bas de robe moulante noire remontait sur le haut de ses cuisses, mais elle n’avait pas l’air de le remarquer. Bien qu’elle se donnait un air décontracté, Mia Hartford ne quittait pas des yeux Dakarai. Elle voulait lui plaire, chacun de ses gestes étaient calculés. Mais il n’en avait que faire. Dakarai était ailleurs.
Au fur et à mesure que les heures passèrent, la foule devint moins danse. Les bouteilles d’alcool étaient quasiment vides, les cendriers étaient remplis. Bientôt, il ne restait plus que Dakarai, sur son canapé qui commençait à sortir de sa torpeur. Depuis combien de temps n’avait-il pas bougé ? Les femmes de ménage s’activaient déjà autour de lui afin de faire disparaître chaque preuve de l’existence de cette soirée. Quelle heure était-il ? Sa Rolex affichait cinq heures moins dix. Avec difficulté, il se leva et tituba jusqu’à la porte d’entrée. Tous ses membres lui faisaient mal, sa tête tournait et sa bouche était pâteuse. Le soleil commençait à pointer le bout de son nez. Il entama la descente de la pente en gravier, en s’efforçant de garder ses yeux ouverts. Une berline noire aux vitres tintées était garée juste devant. Il s’y engouffra et se laissa tomber sur les sièges arrières en grognant.
-En route, Gibbs, soupira-t-il.
Le voyage en voiture ne fut pas reposant. Son estomac menaçait de recracher tout ce qu’il contenait à chaque virage, son crâne semblait vouloir se briser en mille morceaux. Dakarai ne remarqua même pas lorsque la berline atteignit le portail en fer forgé noire qui encadrait l’immense demeure. Gibbs, le chauffeur, l’aida à descendre du véhicule et lui ouvrit le portail. Dakarai sortit une liasse de billets qu’il glissa dans la poche de costume de Gibbs.
-Toujours un plaisir de collaborer avec toi, Gibbs.
Les lumières de la maison étaient déjà allumées. Dakarai regarda sa montre. Six heures moins le quart. Il ne lui restait plus beaucoup de temps. Discrètement, il se dirigea du côté gauche de la maison. Une échelle reposait contre le mur qu’il s’empressa de monter. Il enjamba ensuite son balcon et ouvrit la porte-fenêtre le plus doucement possible pour ne pas la faire grincer. Des bruits de pas dans l’escalier en bois l’avertit que le temps était écoulé. D’un geste, il retira ses vêtements qu’il cacha sous son lit avant de se jeter sur ce dernier, le coeur battant tandis que la porte s’ouvrit sur sa mère.
-Mon chéri, murmura Helen Fitzgham. Il est l’heure de se réveiller, nous allons déjeuner avec tes grands-parents aujourd’hui.
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